Biographie

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Par Stéphane-Jacques Addade

Maurice Boutet de Monvel - Sur les hauts plateaux ou Vue de Mansourah (Kabylie) 1876 (détail)

 

Peintre, aquarelliste et illustrateur français né à Orléans le 18 octobre 1850 (1) et mort à Paris VIIe le 16 mars 1913.


Petit fils par sa mère du ténor Adolphe Nourrit (1802 - 1839) et arrière-petit-fils par son père du grand Monvel - il était ainsi le petit neveu de Mlle Mars - Maurice Boutet de Monvel était issu, selon ses propres mots, «d'une famille d'artistes de premier ordre». Son père Benjamin Boutet de Monvel (1820 - 1880), fut par ailleurs un professeur de physique et de chimie réputé, auteur de plusieurs manuels d'enseignement.


Second d'une famille de neuf enfants, Maurice Boutet de Monvel passe la plus grande partie de son enfance à Paris, où son père enseigne au lycée Charlemagne. Autorisé après son baccalauréat à suivre des études de peintre, il passe une année près de Louis-Henri de Rudder (1807 - 1881), avant d'entrer au début de 1870 à l'école des Beaux-Arts dans la classe d'Alexandre Cabanel (1823-1889). La défaite de Sedan le pousse à interrompre ses études pour s'engager dans l'armée de la Loire.

 


La paix revenue, il suit les cours de l'académie Julian, travaillant sous la direction de Gustave Boulanger (1824 - 1888) et de Jules Lefèbvre (1839 - 1911), qui tous deux exercent sur ses premières oeuvres une influence déterminante. Il expose sa première toile au Salon en 1873 (2) (n°171 Tentation). Il obtient une médaille de bronze en 1878 avec Le bon samaritain (Musée d'Orléans) et une autre d'argent en 1880 avec La leçon avant le sabbat (Nemours Chateau-musée). Mais ses oeuvres d'alors, fortement influencées par la peinture de José de Ribera (1591- 1652), ne jouaient que de clairs-obscurs. Afin de débarrasser sa palette de ses bitumes et de ses noirs trop charbonneux, il choisit un temps de travailler sous la direction de Carolus-Duran (1837 - 1911), dont l'utilisation de la couleur est alors regardée comme révolutionnaire ; et surtout de partir, en 1876, pour un voyage en Algérie, où réside un de ses frères. La lumière de Kabylie est pour lui une révélation. Séjournant à Borj Bou Arreridj, il peint Mansourah et ses environs. Puis il se rend à Constantine et rentre par la Tunisie. Il séjournera une seconde fois en Algérie, en 1878, et une troisième fois en 1880 (3) . Ces trois séjours algériens modifieront définitivement sa manière de peindre - il travaille désormais en plein-air - et sa palette, dont les deux teintes principales deviennent dorénavant l'oranger et surtout le bleu, cette dernière couleur lui servant pour la réalisation des ombres. Ainsi le premier tableau algérien que Maurice Boutet de Monvel se décide à présenter au Salon en 1880, Sur les hauts plateaux - un tableau qui avait été peint devant le motif en 1876 - montre-t-il dans un coin de la composition, un petit tas de tuiles oranges et bleus de cobalt, annonciateur de sa manière nouvelle.


 Maurice Boutet de Monvel - Vieilles chansons et danses pour les petits enfants 1883Son mariage le 21 juin 1876 à Paris IVe avec la fille d'un autre professeur du lycée Charlemagne, elle-même originaire d'Orléans, Jeanne Lebaigue, et la naissance de leur premier enfant, Roger, en 1879 décide de la suite de sa carrière. Contraint désormais de faire vivre les siens, il accepte en 1881 d'illustrer Les pourquoi de Mademoiselle Suzanne, d'Emile Desbeaux, et, la même année, La France en Zig zag, un livre de lecture d'Eudoxie Dupuis publié par Charles Delagrave (1842 - 1934). Ce dernier, enthousiasmé par la pureté et l'originalité de ses créations, lui propose alors d'illustrer pour lui Saint Nicolas: Journal illustré pour garçons et filles. Le succès remporté par le nouveau journal, et particulièrement par les illustrations que livre Maurice Boutet de Monvel pour les comptines et les rondes s'y trouvant, est tel, que ce dernier publie chez E. Plon, Nourrit et Cie Vieilles chansons et danses pour les petits enfants en 1883, et l'année suivante Chansons de France pour les petits Français.

 

 

 Maurice Boutet de Monvel - Chansons de France pour les petits Français 1884

 


Restant malgré ses premiers succès d'illustrateur très attaché à sa carrière de peintre d'histoire, Maurice Boutet de Monvel propose pour la Société des Artistes français de 1885 une toile ouvertement royaliste, L'apothéose de la canaille ou le triomphe de Robert Macaire (Musée d'Orléans), qui lui vaut une première place à la cimaise. Mais l'oeuvre, trop critique envers la toute nouvelle république déplaît au sous-secrétaire d'état aux beaux-Arts Edmond Turquet (1836 - 1914), qui, bien qu'elle ait été unanimement célébrée par le jury, la fait décrocher la veille du vernissage. Le célèbre marchand d'art Georges Petit (1856-1920), qui organisait une exposition dans sa galerie de la rue de Sèze, lui propose alors d'exposer la toile, mais le peintre Léon Bonnat (1833-1922) s'y oppose. Elle sera finalement présentée dans les locaux du Figaro.

 


Maurice Boutet de Monvel - L’écurie de Roger Nos enfants 1887Alors que Maurice Boutet de Monvel croyait sa carrière d'artiste définitivement brisée, Edouard Detaille (1848 - 1912) eut alors la délicatesse de lui tendre la main en présentant sa candidature à la Société des Aquarellistes français qu'il venait de fonder. L'un des premiers portraits à l'aquarelle qu'il y envoie, celui de la fille de Mlle Réjane en costume de la Renaissance, a un succès si considérable que sa réputation de portraitiste est définitivement établie.
Il poursuit pourtant sa carrière d'illustrateur, publiant en plus des dessins livrés pour Saint Nicolas, dont il reste collaborateur jusqu'en 1890, Quand j'étais petit de Lucien Briart en 1886, et La farce de Maître Pathelin, une comédie du Moyen-Age arrangée en vers modernes par Georges Gassies des Brulies chez Delagrave en 1887. Cette même année 1887, paraissent également deux de ses recueils les plus importants: Nos enfants, scènes de la ville et des champs d'Anatole France chez Hachette et Cie (l'ouvrage sera parfois réédité sous le titre Filles et garçons) ; et, chez E. Plon, Nourrit et Cie, La civilité puérile et honnête racontée par l'Oncle Eugène, un manuel de bienséance à l'usage des petits, que Maurice Boutet de Monvel conçoit entièrement. En 1888, ce dernier publie, toujours chez E. Plon, Nourrit et Cie son fameux recueil de vingt deux Fables de La Fontaine qui, comme ses Chansons de France, est encore édité à ce jour. En 1890, il réalise pour illustrer le roman naturaliste de Ferdinand Fabre, Xavière , une série d'aquarelles que l'éditeur d'art Bussod, Valadon et Cie, successeur de la maison Goupil, reproduisit en photogravures en couleurs d'une qualité telle qu'elle ne perdent rien de leur clarté aérienne.

 

 Maurice Boutet de Monvel - La ronde des enfants Arribas Xavière 1890En 1896 enfin, paraît chez Plon, Nourrit et Cie le plus célèbre album de Maurice Boutet de Monvel, Jeanne d'Arc, qu'il conçoit à nouveau seul et dont les aquarelles sont reproduites en zincotypie, un nouveau procédé de photogravure par l'eau-forte associé à des encres de couleur. Son admiration pour l'art lumineux de Fra-Angelico et pour les scènes de batailles de Paolo Uccello s'y exprime avec grandeur. L'ouvrage vaut à son auteur un succès retentissant, qui le fait à juste titre considérer comme un des artistes majeurs de son temps, et lui apporte une reconnaissance internationale. Ainsi Maurice Boutet de Monvel, qui est considéré par la critique comme ayant exercé une influence essentielle sur la jeune école de Vienne fut-il convié à participer à l'Exposition de la Secession Viennoise de 1899 (4) consacrée au graphisme européen ; dix neuf de ses oeuvres y sont alors présentés dans une salle décorée par Koloman Moser. Cette même année 1899, ont également lieu d'importantes et prestigieuses rétrospectives de son oeuvre peinte et graphique aux Etats-Unis ; d'abord à l'Art Institute de Chicago, puis au Fine Art Museum de Boston et enfin à la Pennsylvanian Académy of Fine Arts de Philadelphie. S'étant rendu lui même à Chicago, il reçoit à cette occasion de nombreuses commandes de portraits ; mais l'hiver est particulièrement rigoureux et il tombe gravement malade, en proie à une vieille affection bronchique contractée en 1870 dans les campements militaires de l'armée de la Loire.
 

 

 Maurice Boutet de Monvel - La bataille de Patay Jeanne d’Arc 1896

 


Il présente pourtant à l'Exposition Universelle de 1900 Jeanne à la cour de Chinon, le second des deux panneaux achevés pour la nouvelle basilique du Bois-Chenu à Donrémy. Cette vaste peinture décorative lui vaut alors une médaille d'or. Les quatre autres panneaux de cet ensemble commandés en 1896 ne seront malheureusement jamais réalisés, mais une variante de petite taille sera livrée entre 1905 et 1911 au sénateur William A. Clark (1839 - 1925) qui en fait don à sa mort à la Corcoran Gallery de Washington où ils figurent aujourd'hui encore dans les collections permanentes. Plusieurs hivers durant, Maurice Boutet de Monvel travaille à la version réduite de ses grands panneaux auxquels il ne se console pas d'avoir dû renoncer, dans le recueillement et le froid de son atelier de Nemours.
Au printemps 1911, deux ans avant sa mort des suites de la maladie de poitrine qui l'avait terrassé à Chicago, il peut enfin se rendre à Florence, tandis qu'il travaille à l'illustration d'une vie de Saint François d'Assise, qui ne verra finalement le jour qu'en 1921.

 

 

 

 Maurice Boutet de Monvel - Jeanne aux pieds du château de Beaurevoir Jeanne d’Arc 1896A sa mort, une importante rétrospective de son oeuvre est organisée à Paris par la galerie Manzi et Joyant, les nouveaux successeurs de la maison Goupil, et les galeristes de Edgar Degas et de Henri de Toulouse-Lautrec. Chacun s'accorde alors à reconnaître l'importance des oeuvres qu'il ramena de ses trois voyages d'Algérie, et particulièrement la liberté de celles exécutées lors du premier d'entre eux, en 1876 ; comme chacun s'accorde à reconnaître le caractère essentiel et pionnier de ses illustrations pour enfants, dont la grande originalité et l'exceptionnelle fraîcheur font de lui, aujourd'hui encore, l'inventeur et le maître absolu du genre.


En 1987 et 1988, The Trust for Museum Exhibitions, dirigé par Ann van Devanter Townsend organise l'exposition d'un important choix de ses oeuvres sur papier, à la Telfair Academy of Arts and Sciences de Savannah, Georgia (27 janvier--8 mars 1987), à la Society of the four Art de Palm Beach (20 mars 18 Avril 1987), au Delaware Art Museum de Wilmington (11 mai- 21 Juin 1987) ; au Cornegie Institute de Pittsburgh (26 oct - 6 dec 1987) ; à la Corcoran Gallery of Art de Washington (21 décembre - 31 Janvier 1988) ; et à l'Oklahoma Art Center d'Oklahoma City (15 février-22 mai 1988).

 

 

Adresse des ateliers de Maurice Boutet de Monvel:
. de 1873 à 1875 1, rue des deux portes à Paris
. de 1875 à 1877 81, boulevard du Montparnasse à Paris
. de 1877 à 1890 17, rue Rousselet à Paris
. de 1890 à 1913 6, rue du Val de Grâce à Paris
. de 1896 à 1913 «Les Peupliers» rue Girault à Nemours, Seine-et-Marne.
Contrairement à ce qui fut parfois avancé, Maurice Boutet de Monvel ne résida jamais à Meudon.

 

NOTES:

(1) Et non en 1851 comme souvent indiqué. (Revenir)
(2) Et non en 1874 comme souvent indiqué.  (Revenir)
(3) Il y eu bien trois voyage comme l'indique une lettre inédite du peintre à Will H. Low et non deux. (Revenir)
(4) V. Ausstellund der Vereinigung Bilden der Künstler Österreichs Secession. (Revenir)